La mortalité se concrétise : le conte de deux pays

Par Peter Gorham, FICA, actuaire, JDM Actuarial Expert Services

Habituellement, seul(e)s ceux et celles qui pratiquent l’expertise devant les tribunaux prêtent attention à une nouvelle table de mortalité du Canada. Mais cette année, il serait peut-être prudent que tous les actuaires y consacrent un minimum de réflexion.

Statistique Canada a publié la semaine dernière les tables de mortalité du Canada 2018-2020, et pour la première fois, elles comprennent des tables de mortalité pour des années individuelles ainsi que les taux moyens traditionnels sur trois ans. L’espérance de vie d’un nouveau-né a diminué de plus de six mois, passant de 82,29 en 2019 à 81,72 en 2020. Il n’y a eu aucun commentaire sur les effets de la COVID-19 sur cette diminution.

Trois jours plus tard, la Society of Actuaries (SOA) a publié un document de recherche sur la mortalité de la population américaine en 2020. Les auteurs ont divisé la mortalité de 2020 entre la COVID-19 et tous les autres décès. Ils ont constaté que la mortalité aux États-Unis s’était aggravée en 2020 même sans l’effet de la COVID-19. Les taux de mortalité américains combinés hors COVID-19 ont augmenté de 4,9% en 2020, ce qui constitue la plus forte augmentation de mortalité d’une année à l’autre aux États-Unis depuis 1936.

Les taux de mortalité aux États-Unis, y compris la COVID-19, se sont aggravés en 2020 de 16,8 % (contre une amélioration de 1,2 % en 2019), ce qui a dépassé l’aggravation de 11,7 % en 1918 lors de la Grippe espagnole.

Figure 1 tirée du document de recherche « US Population Mortality Observations » de R. Jerome Holman, FSA, MAAA et Cynthia S. MacDonald, FSA, MAAA., Society of Actuaries, janvier 2022. En anglais seulement.

La détérioration de la mortalité aux États-Unis hors COVID-19 a touché presque tous les groupes d’âge, les femmes de moins de 15 ans et les hommes de moins d’un an étaient les seuls groupes à s’être améliorés. Et la plupart des causes de décès qui ont été analysées ont également montré une augmentation. Seuls le cancer, les maladies pulmonaires et le suicide ont indiqué une amélioration de la mortalité en 2020.

Qu’en est-il du Canada?

En utilisant les tables de mortalité du Canada pour les années individuelles de Statistique Canada, j’ai calculé un taux de mortalité ajusté selon l’âge pour le Canada (basé sur la population de 2011, qui est la même base utilisée dans le document de recherche de la SOA). Au cours des 20 années entre 2001 et 2020, il n’y a eu que trois années où la mortalité combinée s’est détériorée, à savoir, 2007, 2017 et 2020, les chiffres négatifs pour 2007 disparaissant avec l’arrondissement.

Statistique Canada a publié séparément des données sur les causes de décès entre 2000 et 2020. Lorsque j’ai exclu les décès dus à la COVID-19, la mortalité au Canada s’est améliorée de 2,2 % en 2020, ce qui constitue un net contraste avec l’expérience américaine.

Pour faciliter la comparabilité, l’échelle verticale des graphiques canadiens a été intentionnellement définie de la même manière que celle des graphiques américains ci-dessus. En anglais seulement.

De 2000 à 2020, les améliorations de la mortalité (hors COVID-19) ont été les plus importantes chez les hommes, avec une moyenne annuelle de 1,8 % pour les hommes, 1,4 % pour les femmes et 1,6 % comme moyenne combinée. Mais cela pourrait changer car au cours de six des neuf dernières années, les améliorations chez les femmes ont été supérieures à celles des hommes (bien que la moyenne sur six ans soit à peu près pareille à 1,1% par an pour les deux).

De grandes différences en fonction de l’âge se cachent dans les détails des données canadiennes. Si l’on exclut la COVID-19, la mortalité s’est aggravée pour les 18 à 69 ans pour les deux sexes. Cela fait beaucoup de personnes dont la mortalité se détériore, mais puisqu’il y a relativement moins de décès à cette catégorie d’âges, ces décès contribuent légèrement moins au taux de mortalité ajusté selon l’âge que les personnes de plus de 70 ans.

Quelques comparaisons remarquables existent entre nos deux pays :

  1. Le taux de mortalité lié à la COVID-19 au Canada en 2020 était inférieur à la moitié du taux américain, avec 42,5 décès pour 100 000 Canadiens et Canadiennes contre 91,3 décès pour 100 000 Américains et Américaines.
  2. Les améliorations de la mortalité au Canada sont plus volatiles qu’aux États-Unis. Je présume que c’est principalement dû au fait que les États-Unis ont environ 10 fois plus de points de données que le Canada. Les résultats canadiens contiendront plus de bruit.
  3. La mortalité au Canada s’est améliorée remarquablement au cours des 20 dernières années par rapport à la mortalité aux États-Unis. Et quand nous examinons les causes de décès (ce sera le sujet d’un autre article sur Voir au-delà du risque), nous trouvons des différences surprenantes (du moins pour moi).
  4. En 2020, la mortalité hors COVID-19 s’est détériorée à peu près au même rythme au Canada et aux États-Unis pour la catégorie d’âge entre 18 et 55 ans. Aux âges plus avancés, la mortalité canadienne s’est améliorée et la mortalité américaine s’est aggravée. Aux plus jeunes âges, les résultats semblent être influencés par l’arrondissement et j’ai décidé d’éviter de tirer des conclusions à cet égard.

Que pensez-vous des dernières tables de mortalité et de la détérioration globale de la mortalité? Partagez un commentaire exprimant vos pensées ci-dessous.

Restez à l’affût d’un autre article plus tard cette semaine sur les causes de décès en 2020.


Les tables de mortalité du Canada pour les années 1980 à 2020 sont disponibles sur Statistique Canada :
https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/84-537-x/84-537-x2021001-fra.htm

Les causes de décès au Canada de 2000 à 2020 sont disponibles sur Statistique Canada :
https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1310039401&request_locale=fr

Le document de recherche de la SOA intitulé U.S. Population Mortality Observations est disponible sur le site Web de la SOA :
https://www.soa.org/resources/research-reports/2022/us-population-mortality/

Cet article reflète l’opinion de l’auteur et il ne représente pas une position officielle de l’ICA.